D’abord disons ce qu’est un marché.
Pour intéresser les grandes entreprises multinationales, un marché doit répondre à 3 critères qui conditionnent sa rentabilité : sa taille, sa robustesse, son pilotage.

1) La taille du marché

Dans notre économie, les marchés de masse (beaucoup de demandeurs avec un même besoin) sont occupés par les majors. Ces majors sont toujours en quête de nouveaux marchés car elles fonctionnent sur le modèle de la croissance qui permet d’alimenter des actionnaires.

La retraite est un marché de masse à très fort potentiel, encore vierge. Malgré la loi PACTE de 2019 qui crée le PER (Plan Épargne Retraite), la part de cette épargne atteint seulement 10,2 % de l’épargne totale des français, dont on sait qu’ils sont de gros épargnants.

L’allongement de l’âge de départ combiné à l’augmentation du nombre de trimestres cotisés ajoutent un stress économique favorable au développement de ce marché, dans un contexte de chômage de masse, de faibles perspectives entrepreneuriales dans une économie globalisée, de pandémie et de guerre.

Nos retraites, comme notre santé et tout secteur que couvre “la Sociale”, représentent une nouvelle “ruée vers l’or” pour les investisseurs privés qui lorgnent sur une manne pérenne de 600 milliards d’euros,

2) La robustesse du marché

C’est le rapport entre ce que l’entreprise investit (moyens humains et techniques), le gain qu’il dégage et sa prégnance.

L’uniformisation de la demande

Un seul produit qui répond à une grosse demande étant le produit idéal. La normalisation de l’offre est un objectif crucial pour garantir un marché pleinement rentable. La disparition des régimes spéciaux de retraite est, comme le dit le gouvernement, une simplification qui opère comme une normalisation, et donc répond pleinement à ce critère essentiel.

La prégnance

L’arrêt du travail dû à l’âge n’est ni une option, ni un confort. Nous pouvons nous passer de caviar, ou simplement de changer de garde robe, et même de téléphone portable, mais pas d’arrêter de travailler quand notre corps nous l’imposera. Le marché est pérenne et attractif car nul ne souhaite passer ses vieux jours dans la pauvreté.

La loi

Depuis 1995, l’allégement de plus de 20% la part patronale aux cotisations sociales, assèche le modèle par répartition. Il y a donc une mise en déséquilibre dangereuse de notre système par ceux-là même qui prétendent vouloir le sauver.

L’Etat opère un transfert du modèle économique des caisses de retraites du public vers le privé : la part patronale, qui n’est plus versée pour les plus hauts salaires (quasi nulle), sera épargnée dans un PER à la faveur d’une incitation fiscale de l’Etat.

Nous sommes donc dans la situation où nous payons :

  • par l’impôt, l’épargne en direction du privé,
  • par l’épargne des personnes à ne rien faire, si ce n’est à nous promettre que nous retrouverons notre argent 43 ans plus tard…

Sans commentaire.

3) Le pilotage.

Initié avec l’obsolescence programmée, le pilotage des marchés n’a cessé de s’affiner : fléchage des dépenses, raréfaction organisée, manipulation des taux directeurs, intervention sur les cours des marchés, fabrication massive des devises, etc…

Concernant la retraite, l’âge minimum de départ, nombre de trimestres de cotisation, décote, retraite plancher, pénibilité… sont devenus autant de curseurs installés au fil du temps, avec la volonté de reprendre définitivement la main sur une caisse pourtant originellement privée et autonome.

Le gouvernement, avec cette réforme, se dote de commandes qui sont de nature à permettre, à tout moment, d’ajuster les conditions d’accès à la retraite, en fonction de la santé d’un modèle économique qui s’effondre.

Dans le cas d’une retraite par capitalisation, s’ajouteront pour les cotisants des curseurs supplémentaires : le taux du PER, sa durée, sa disponibilité, son imposition, son accession…

Conclusion

Quelle est cette société, qui se dit puissante, démocratique et providentielle, se trouve dans l’incapacité de permettre une fin de carrière et une fin de vie digne ?

Nos gouvernants n’ignorent pas la courbe démographique, la position économique de la France, la désindustrialisation, l’intelligence artificielle, l’évolution du chômage. Leurs interventions se sont avérées destructrices.

La question est simple : voulons-nous une société dévolue aux marchés, aux bénéfices de quelques particuliers ? Ou voulons-nous une société guidée par l’intérêt général ? Qu’est-il le plus important pour l’humanité, survivre au changement climatique ou mourir pour rassurer les marchés ?

Aujourd’hui c’est la seconde hypothèse qui est poussée par tous les gouvernements dits occidentaux. Le manque de croissance est telle qu’ils vont la chercher dans le futur par l’augmentation des taux directeurs et l’allongement de la vie au travail…